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Mon ado visionne du porno

Par Mme Sandra Marcia-Sommer, Sexopédagogue. Pour Richner institut.

En tant que parents, il n’est plus très étonnant en 2022 de surprendre son adolescent·e en train de visionner du porno. Mais que faire quand il·elle y va tout le temps ? Suite au tremblement de terre émotionnel vécu lors de la découverte de ce fait presque burlesque entre le monde de la candeur et celui du sexe brut stéréotypé et genré du porno, une envie survient, une en-vie de sur-vie. Faut-il hurler, pleurer, rire, se réjouir ? Peut-être ou pas.


Que faire face à la réalité de nos chers enfants si innocents, qui devenus des adolescent·e·s, se voient propulsés dans le monde des films pornographiques malgré leur jeune âge ? Que dire ? Comment réagir ?

Je vous proposerai comment agir pour aborder ce sujet qui touche à l’intime avec eux en étant posé·e et ouvert·e à leur refus d’entrer en communication.

Mais revenons à ce jour J de la découverte, effroyable pour certain·e, de LA porno dans la vie de SON enfant, que faire :

Je vous invite pour commencer à faire un STOP afin de visiter votre horizon émotionnel avant d’amorcer un échange constructif avec votre ado. Respirer profondément. Oui, c’est bien. Respirez profondément. Visitez toutes les émotions que vous vivez et qui vous appartiennent. C’est juste. Accueillez toutes vos émotions. Et c’est ok de ressentir tout cela.


Tout parent souhaite que ses enfants s’épanouissent dans leurs premiers émois, dans leur sexualité, dans leurs vies sentimentales, dans leurs rapports sexuels, dans le rapport à l’autre, dans le respect de l’autre, etc. Rassurez-vous, dans la grande majorité, ils vont vivre une merveilleuse et époustouflante sexualité. Oh que oui…

Ils vont se confronter aux mêmes problématiques que tout un chacun, se heurter aux mêmes déboires pour expérimenter, pour peaufiner, pour se développer, pour œuvrer à devenir des adultes comme nous toutes et tous. Avec nos chutes, nos apprentissages, nos évolutions et nos rechutes pour apprendre, encore. Pour se construire avec ou sans la porno. La porno est un détour vers un regard minimaliste du sexe alors que l’adolescent·e cherche à vivre autre chose : l’union. Derrière leurs verbes affutés par la vulgarité se cachent en réalité une grande pudeur à vivre la douceur, à s’orienter vers la découverte du « oser être » sans devoir paraître et de se permettre d’être puceau et pucelle dans un monde où la performance, la beauté sont normées. Être dans la fragilité dans un corps et avec un cerveau en pleine mutation pour faire le pas vers ce passage de l’adolescence à l’adulte.

Ce pas-sage car il faut passer à travers soi. Traverser le « qui je suis » qu’ils cherchent à être sans savoir qui ils sont dans un monde qui a perdu tout son sens et où les adultes sont, pour la plupart, sans structure pour maintenir le cap du lie-Un. Ils se cherchent dans leur infinitude peur-due. Tellement de possibilités s’offrent à eux·elles qu’un sentiment d’espace infini les étouffe dans un seul souffle. Un gouffre, le vide. Les adolescent-e-s marchent en direction du « nous ». Le « je » est une dissolution du « nous » à la recherche de l’identité à laquelle ils aspirent et ils respirent pour devenir la personne consciente et présente dans laquelle ils s’identifieront et évolueront. C’est le principe de l’appartenance. Ensuite, le « je » va s’amplifier pour prendre sa place et se développer en tant que « Je suis » et se différencier du « nous ». Bref…la quête de soi, aller à la découverte de son essence pour trouver le sens, la direction à suivre. Car il est important de savoir que nos ados 2022 sont dans un rapport aux sens très affûtés. Le sens est la boussole interne. Elle donne le Nord. Comme il est important pour un ado d’avoir un « structure familiale » rassurante et ferme. Qui garde toujours le Nord.

Tous les parents se disent mais comment se fait-il qu’il·elle regarde ce genre de film ? Avec MON éducation…MA religion…Pourquoi ?

Malheureusement, ces images sont très facilement accessibles sur la toile. A l’entrée de l’adolescence, les jeunes recherchent des réponses à leurs questionnements. Ces questions sont centrales pour eux car les notions de sexualité occupent une préoccupation majeure dans leur développement psycho-sexuel (comment l’aborder ? comment l’embrasser ? comment lui parler du préservatif ? quel orifice ? puis-je me tromper ? comment m’affirmer dans mon genre ?). Observez, les préoccupations sont toujours les mêmes, non ?

Je vous invite à faire un retour dans le passé. Comment c’était pour vous cette période ? Bien ? c’est bon de se remettre un peu dans leurs baskets, non ?

Durant mes cours, nous abordons cette thématique et nous échangeons, sur la pornographie. Une grande partie des élèves sont conscient·e·s de l’envers du décor (violence, reprise des scènes, impression d'endurance et maintien de l'érection, multiples pauses entre les scènes, gros plans, acteur·trice·s huilé·e·s, les scènes sont uniquement des démonstrations artistiques et gymnastiques entraînées pendant des jours et non à faire avec son·sa partenaire chez soi, etc), des dangers (peut tuer les fantasmes, elle sépare sexe et sentiments, etc…) et des fausses croyances de la pornographie (non, les hommes n'éjaculent pas des litres de sperme, ne peuvent pas tenir en érection pendant des heures. Non, une femme qui jouit vraiment ne doit pas être une femme fontaine et n’a pas besoin de hurler pendant qu’elle a des rapports sexuels et/ou durant l’orgasme. Non, toutes les femmes n'ont pas le sexe entièrement épilé, ni les hommes d’ailleurs). Une des conséquences importantes à noter est que l'abus de pornographie chez des personnes fragiles pourrait créer une forme d'accoutumance. De plus, nous soulignons l’importance du réseau pour ces jeunes qui pourrait se sentir concernés. Nous les invitons à aller au centre de santé sexuelle de Genève. Nous parlons également de la Loi et du consentement. Pour information, tous les élèves des cycles de Genève abordent ces thèmes durant le cours d’éducation sexuelle. Ils sont incontournables.