Article écrit, pour l'institut Richner, par Karen Trilles, enseignante.
Je suis enseignante en primaire à Genève depuis une vingtaine d’années. Maman depuis 21 ans, je suis avant tout une femme, sensible, énergique, ouverte à l’humain autant qu’a la spiritualité, une fille revendiquée de notre Pachamama !
Dans mon métier, Je me sens davantage investie d’une sorte de mission que faisant un travail. J’ai toujours eu à cœur de me remettre en question dans mes pratiques comme dans mes réflexions, d’être à l’écoute est au service de mes élèves et de remettre l’enfant au centre !
Fortement inspirée par le travail de Celine Alvarez, je me suis lancée depuis trois ans dans une nouvelle pédagogie alternative au sein de ma classe. Les dernières études en neurosciences sur le développement cognitif des enfants ont mis en lumière des données que nous ne pouvons plus ignorer dans nos pratiques et que l’école dite « traditionnelle » ne respecte que trop peu ! D’où un échec scolaire massif malgré des bonnes volontés de chacun et un système qui ne répond plus aux besoins basiques des enfants ainsi qu’une souffrance pour chacun des protagonistes : enfants, parents, enseignants.
Einstein disait : « la folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »
C’est à nous de révolutionner notre école pour apporter notre pierre à l’édifice d’une nouvelle société faite d’individus responsables, autonomes, sûrs d’eux, équilibrés, libres, respectueux, passionnés, citoyens au sens noble… Bref nos adultes de demain, l’avenir de notre terre !
Quelle ambition ! Comme le petit colibri, j’ai décidé d’apporter ma petite goutte d’eau pour éteindre l’immense incendie qui consume notre société et notre planète ! Si chacun de nous en fait de même, j’ai espoir que tous ensemble nous y parviendrons !
Pour en revenir à cette « pédagogie alternative » qui est plus un « état d’esprit », j’ai mis en place au sein de ma classe un système d’ateliers autonomes. Ces ateliers touchent tous les domaines et permettent aux enfants d’apprendre à leur rythme, selon leurs envies et d’aller aussi loin qu’ils le souhaitent dans chaque domaine ! Ils sont maîtres de leurs apprentissages, l’adulte n’étant plus là que pour soutenir, accompagner, aider, voir guider ! L’adulte n’est plus au centre, il n’est plus le maître ! C’est dans la nature même de l’enfant de grandir et d’apprendre, il nous suffit de leur faire confiance et de lâcher prise et le processus naturel joue pleinement son rôle.
En parallèle, les enfants apprennent dès les premiers jours d’école à communiquer en CNV, à s’entraider et à développer l’empathie dans le respect de règles assez simples qui leur sont explicitées afin qu’elles aient tout leur sens et que les enfants se les approprient !
Chaque semaine, nous allons également passer un après-midi en forêt, quelque soit le temps ou la saison pour se reconnecter ou pour certains « se connecter » avec notre « PachaMama » !
Aucune activité particulière n’y est organisée non plus, quelques règles de base assez simples et les enfants sont totalement libres d’évoluer au cœur de la nature !
L’usage de la salle de jeux n’est donc plus requise, l’enfant expérimente l’équilibre, la coopération, la construction, la psychomotricité, la coordination… le tout naturellement, a son rythme et connecté à la nature !
Il a été largement démontré par les neurosciences que les fonctions exécutives sont les fondations biologiques de l’apprentissage et de l’épanouissement global. Elles se développent surtout et de manière très importante entre 3 et 5 ans. Comme, malheureusement, nous n’accueillons les enfants qu’à partir de 4 ans révolus, il ne faut pas perdre trop de temps ! Les parents ont également une co-responsabilité à les développer avec leur enfant avant l’entrée à l’école.
Lorsque l’enfant veut faire quelque chose tout seul (mettre ses lacets, fermer sa veste, se laver les dents, fermer une boîte… Et à l’école : faire de la peinture, exécuter une tâche complexe comme écrire un livre…), il ne fait pas un caprice. Pour y parvenir, il exerce ses tâches exécutives.
Il doit mémoriser les différentes actions requises et les organiser ; inhiber les distractions, focaliser son attention, contrôler les gestes et émotions qui pourraient l’empêcher d’atteindre son but ; enfin, il fait preuve de flexibilité : il doit détecter ses erreurs, trouver des solutions à ses problèmes, et persévérer jusqu’à atteindre son but. Et si nous ne l’empêchons pas, il l’attendra. Il veut faire seul et il doit faire seul. Il n’est pas « têtu », il est vivant. Ses fonctions exécutives se développent et il doit les exercer. Et lorsqu’il les exerce, c’est le processus, la suite d’actions qui le mettent au défi et qui l’intéressent. Ce n’est pas le résultat. C’est pour cette raison que si, par impatience, nous les lui retirons des mains cette boîte qu’il tente de fermer seul avec difficulté, que nous le faisons nous-mêmes et la lui rendons en lui disant « tiens, voilà, c’est fermé ! », Il hurlera et nous serons saisis, plongés dans l’incompréhension la plus totale. Peu lui importe que la boîte soit fermée. Ce qu’il veut, c’est essayer de la fermer. C’est l’effort qui l’intéresse ! La finalité n’est pas extérieure, elle est intérieure. Lorsque ses compétences ont correctement pu être développées, nous sommes capables à l’âge adulte d’atteindre tous les objectifs que nous nous fixons : nous pouvons réguler nos émotions, nos comportements, réfléchir avant d’agir, planifier, détecter nos erreurs, trouver des solutions, persévérer, créer, innover. Nous sommes confiants, maîtres de nous-mêmes, nos relations sont plus durables. Le bon développement des fonctions exécutives est plus souvent prédictif pour notre épanouissement global (scolaire, professionnel, relationnel…) qu’un score élevé de Q.I.
Céline Alvarez le dit : Lorsque l’enfant naît, tout est possible. Il est dépositaire de tous les potentiels humains. Il est prédisposé à faire et à être tout ce que nous cherchons à lui inculquer mais il n’est pas déterminé à le faire. Il nait avec ses potentiels mais ce qui déterminera leur développement ou non, c’est nous ; notre capacité individuelle, familiale, sociétale, institutionnelle à fournir à l’enfant des environnements appropriés, pensés dans le respect et le soutien de ses lois universelles de développement. C’est uniquement de cette façon respectueuse, organique, qu’il pourra déployer pleinement ses potentiels latents.
Et pour le moment, on ne va pas se le cacher, nous en sommes loin. Les fondations mêmes de notre école bafouent les principes biologiques les plus élémentaires de l’épanouissement humain. Nous ne faisons que peu de place à l’autonomie, au sens, à l’étayage individualisé, à l’enthousiasme, à la joie.
C’est pour toutes ces raisons et c’est pour redonner ses lettres de noblesse et toute sa dignité à notre école que j’ai décidé de faire autrement ! Tout peut changer .... à nous de jouer !
L'institut Richner remercie karen Trilles pour son article.
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